Le moto-gnakry vidéo game vous connaissez ? 😂😉
Pour ceux qui vivent ou ont vécu à Conakry, ils savent ô combien le respect d’un rendez-vous, à l’horaire même approximatif, peut constituer un véritable challenge quand il s’agit de parcourir une certaine distance dans les rues de la capitale guinéenne.
Challenge qui peut d’ailleurs se transformer en véritable épreuve à l’issue très incertaine quand les éléments dits « naturels » se liguent pour vous mettre des bâtons dans les roues.
Et oui car pour essayer de relever au mieux ce genre de défi, pas grand-chose de plus performant que le 2 roues ; extrême certes mais quasi seule solution pour ne pas rester scotché dans les bouchons ; scotché ou plutôt englué car quoi de plus efficace de plus tenace qu’un embouteillage conakryka pour vous immobiliser, vous figer, vous retenir.
Alors je l’ai fait, plus d’une fois d’ailleurs, mais la dernière fût vraiment spéciale : tandis que l’orage déversait sa colère sur la ville, j’ai hélé un taxi moto au sortir de ma rue à Kipé ! Enfin ma rue, je devrais plutôt dire ma mare, car par ici quand le ciel se lâche, généralement il y va de bon cœur et l’eau faute de pouvoir s’échapper facilement vers la mer (un comble pour une presqu’ile comme Conakry) cherche son chemin et envahit l’espace. Plouf, plouf, plouf, pas le choix.
Allez chauffeur, en route pour la Palais du Peuple !
L’objectif étant pour moi de récupérer avant midi mon attestation de test COVID, sésame de sortie du pays.
En route pour une demi-heure de moto-gnakry vidéo game. Si je vous assure ! Pourtant je ne suis pas très porté sur les jeux vidéo mais alors là j’ai vraiment eu l’impression d’être l’acteur impuissant d’un jeu d’arcades à sensation.
« Oups attention à droite euh non à gauche, eh m… attention à droite et à gauche. » Et ça déboule de partout ! Par derrière mais aussi par devant. Il faut savoir qu’ici la notion de voie de circulation est très approximative et en tout état de cause, laissée à l’appréciation de chaque chauffeur. Alors camions, voitures, tuk-tuks, motos se mêlent, s’emmêlent sur la bande d’asphalte dans une indescriptible corrida motorisée. Il faut tracer sa route en évitant « les piques, les banderilles » qui pourraient vous faire dévier voire vous faire quitter la route. Attention au Game over !
« Nom d’un marabout, heureusement que le « jeu » n’est pas en 3 dimensions, car il serait injouable ! »
Mais pour nous le « jeu » continue. Nous sommes toujours sur la moto qui avance bon an mal an vers la ligne d’arrivée. Au fait c’est vraiment un jeu ? Non, c’est la réalité ? Qui tient la manette ? Qui est au contrôle ?
« Chaauuuffeuuuur, la plaque d’égout qui dépasse du bitume tu l’as… ouf il l’a vu et évité. »
Mais bor… que fait là cette plaque dépassant d’un bon 10 cm de la voirie ?
En fait rien de particulier, elle attend juste comme les autres tout le long de cette voie en travaux mais ouverte à la circulation, que la bande de roulement de la route soit finalisée. Et en attendant elle offre un défi quotidien aux « gamers » de la route car bien sûr aucune signalisation n’est mise en place pour l’indiquer.
L’avantage incontestable et même plutôt agréable quand tu circules à l’arrière d’une moto, c’est que tu peux profiter… « Ouayoye ça freiiine devant ! » hop, hop un coup de « joystick » à gauche, un coup à droite entre les véhicules arrêtés et notre route se poursuit. « Euh chauffeur t’a regardé dans tes rétros ? » Oups non évidemment, y’en a pas….
Je disais donc, tu peux en profiter pour observer la ville et son inénarrable fourmillement ; une scène sur laquelle se joue à ciel ouvert, 24 h sur 24, d’innombrables « actes » plus ou moins théâtraux de le vie quotidienne des Conakrykas : un jeune vendeur déambulant, trempé jusqu’aux os et proposant ses balais d’essuie-glace aux automobilistes peu enclin à ouvrir leur fenêtre ; quelques rares et téméraires policiers essayant de réguler à certains points stratégiques, le flot tumultueux de la circulation avec force gesticulation mais une efficacité toute relative ; une femme étendant son linge sur la terrasse de « son appartement » au premier étage d’un immeuble en construction (si, si c’est vrai…pas de cloisons, juste la dalle brute en béton sur laquelle s’est installée une famille, remplaçant les cloisons par des tentures suspendues) ; des vendeurs d’athiéké remplissant leurs sachets en soufflant allégrement dedans histoire de les vendre gonflés : un peu moyen par temps de covid ; des élèves en uniforme entassés à 3 (en plus du chauffeur) sur une pauvre TVS ahanante mais slalomant malgré tout au milieu du dédale mouvant….
« Traversée de mare : 200 points ! » Et oui, certes la pluie a presque cessé de tomber mais on la retrouve concentrée de-ci de-là en mares stagnantes ou en cours d’eau éphémères qu’il faut alors franchir en croisant les doigts (pourvu qu’il n’y ait pas un trou ou une plaque d’égout soulevée sur notre passage), levant les pieds et en anticipant les projections aqueuses des autres véhicules.
Rien ne nous arrête ! Enfin jusqu’à présent. Et nous approchons de notre destination finale avec un bon temps de référence. La circulation se faisant plus fluide, la partie semble plutôt bien engagée.
Soudain hurlement de sirène ! Tiens donc, nouvelle et ultime épreuve ? Un convoi d’un « grand quelqu’un » s’annonce avec force gyrophare et 2 tons au max du volume. Vite trouver un espace, un interstice au milieu des voitures pour se glisser et se mettre à l’abri car vu la vitesse à laquelle les véhicules approchent mieux vaut éviter d’aller au contact. Fiouuuuu….. Il était temps. A peine aperçu dans leurs pickups quelques bérets rouges patibulaires et armés jusqu’aux dents encadrant un 4x4 rutilant aux vitres teintées, que déjà mon chauffeur a repris sa place dans le trafic profitant de l’aspiration du convoi. « Euh pas trop près quand même hein. Leurs kalachs on dirait des vraies !?! »
Le Palais du Peuple est en vu. Et il est 11h45. Tout va bien. La partie est quasiment gagnée.
Ultime épreuve trouver un passage pour entrer dans l’enceinte du Palais et accéder au « centre covid ». Entre mares d’eau, véhicules garés anarchiquement et grilles fermées, ça ressemble à un labyrinthe.
Game Over : 11h52 ! Merci chauffeur, ce fut un réel plaisir… Prochaine partie ? A mon retour. Là il faut que je fasse une pause. Trop de jeu vidéo, ce n’est pas bon pour la santé !