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Fouta-découverte, le blog Fouta Djalon

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Images, impressions, infos sur le Fouta Djalon en Guinée (Conakry) pour les amateurs de rando/treks et d'un tourisme de découverte


Chronique d'un Porto Conakryka

Publié par fouta-decouverte sur 15 Décembre 2023, 19:34pm

Catégories : #Au quotidien, #Guinée

Aventuriers de la route à Conakry

ou comment une simple visite à la famille se transforme

en expédition aventureuse à l’issue incertaine

Samedi matin en milieu de matinée, nous prenons la route direction Coyah pour rendre une petite visite à la famille.

Tout se passe au mieux pendant les premiers kilomètres. Bien sûr, nous sommes confrontés à quelques ralentissements au niveau des grands carrefours des différentes transversales de la haute banlieue conakryka mais rien de bien méchant. A peine quelques minutes d’avancée au pas, juste le temps de pouvoir faire quelques achats avec les vendeurs/ses à la sauvette qui déambulent au milieu des files de voitures : gâteaux, boissons glacées et graines de sésame caramélisées.

Arrivés à Coyah, nous quittons la route goudronnée pour prendre la direction de Forécariah. Il nous reste à peine quelques kilomètres pour atteindre notre destination du jour ; quinze minutes au plus en temps normal. Mais une surprise dont on se serait bien passé nous attend.

En effet, alors que nous dévions sur notre droite, nous découvrons que cet axe est en totale réfection et, dans le même élan, nous nous enfonçons brusquement façon bouchon de liège dans un goulot d’étranglement qui semble se resserrer à chaque mètre parcouru. Nous sommes comme happés dans un véritable tétris de voitures plus ou moins en mouvement et savamment imbriquées, avec des véhicules venant s’insérer sans crier gare, sans respect des formes, façon game-over garanti. Impossible de faire demi-tour ou de se dégager. Pris dans cette étreinte étouffante, nous nous laissons aller aux soubresauts spasmodiques de cette caravane géante et improbable, tels des fourmis magnan en pleine migration.

Cette impression d’étreinte est encore renforcée par le soleil qui à cette période de l’année (pleine saison sèche) et à cette heure de la journée (un peu avant 12h00) prend un malin plaisir à nous assommer de ses coups de boutoirs ardents.

Quand nous sommes à l’arrêt nous ouvrons les fenêtres pour essayer d’évacuer la touffeur de l’habitacle car évidemment la clim ne fonctionne plus, mais dès que l’avancée reprend nous les refermons aussi hermétiquement que possible pour éviter d’aspirer à trop grandes goulées la poussière qui envahit l’atmosphère.

Notre petite sortie tranquille se transforme de fait en une expédition infernale.

Quelques centaines de mètres plus loin, nous abordons une zone qui semble avoir été aménagée façon montagnes russes. De devers en bosses quasi infranchissables, notre progression, de erratique devient des plus problématique. Les véhicules un peu surélevés et surchargés ont toutes les peines du monde à franchir ces obstacles que même des 4x4 trouveraient pour le moins délicats. Certains se retrouvent sur 3 roues à la limite de se renverser, d’autres restent bloqués dans de petits raidillons, le moteur en surchauffe, .... bref nous sommes au coeur de l’enfer routier dans sa version guinéenne, l’une des plus cauchemardesques.  

Après de trop longues minutes passées dans ce manège dantesque, nous finissons par en entrevoir l’issue. Nous retrouvons une portion de route praticable pour les quelques kilomètres qu’il nous reste à parcourir. La maison est enfin en vue.

«Bonne arrivée ! Comment ça va ? La route ça a été ?»

«.....»

 

Après quelques heures passées en famille, essentiellement à nous remettre du voyage aller, nous prenons la route du retour en fin d’après midi, avec le fol espoir de regagner rapidement Conakry et notre quartier.

Les premiers kilomètres sont encourageants. Nous rejoignons sans trop d’encombres «l’autoroute» où la circulation semble relativement fluide. Bon, ça ne s’emballe pas non plus. Tout juste atteignons nous par instant les 50 kms/heure. «Ouaou, ça décoiffe !» Mais au moins on avance.

Soudainement alors que nous abordons une zone non éclairée de la voierie, c’est le black out total. Au moment où j’actionne le mode pleins phares, tout au moins où j’essaye, les feux de la voiture décident de se mettre en mode veille. «Ben tiens c’est tellement plus amusant d’être plongé dans le noir complet !». Mais quand je vous dis veille, c’est vraiment une veille profonde dont il est impossible de les réveiller. Seules les veilleuses acceptent de se maintenir éveillées. Au moins ne sommes nous pas totalement invisibles. Quand à voir quelque chose sur la route, comment dire ??  et bien on n’y voit strictement rien.

D’urgence je m’arrête en vrac sur le bas côté, histoire de ne pas percuter quelqu’un ou quelque chose et de ne pas quitter la route, l’occasion aussi de faire quelques tests complémentaires et d’évaluer les options qui se présentent à nous. Malheureusement les tests confirment la veille définitive des feux quand aux options, elles s’annoncent plutôt limitées. De fait une seule s’impose à nous : poursuivre notre route, malgré tout. Oublié les 50 kms par heure. L’idée «lumineuse» (rires) est de rejoindre coûte que coûte nos pénates, même si c’est à 10 à l’heure.

Je repars donc en mode escargot ralenti, avec deux veilleuses en éveil comme autant d’antennes érigées de part et d’autre de mon vaisseau fantôme.

 Tiens justement un ralentissement ?!? Ahaha, un ralentissement qui ne me ralentit pas beaucoup. Bizarre quand même. «Au fait il est quelle heure ?» «22h55». «Et m…. le couvre-feu !»

Petit détail qui nous avait complètement échappé jusqu’à cet instant fatidique, le couvre-feu mis en place depuis quelques semaines n’a toujours pas été levé. Après 23h00, il est donc interdit de circuler dans Conakry sauf à pouvoir fournir une autorisation officielle pour braver l’interdit. «Ahaha la bonne blague».

L’heure n’est pas encore arrivée, et pourtant déjà le barrage filtrant se met en place. Et oui il est parfois étonnant de constater ô combien les hommes en tenue peuvent faire preuve de zèle quand l’intérêt supérieur de la Nation ou plus prosaïquement et plus précisément, l’intérêt de leur supérieur et le leur, bien évidemment, est en jeu.

Nous sommes maintenant à l’arrêt dans une file de voitures interminables. Une fois de plus, la suite logique d’une journée normale sur les routes anormales de Conakry et de sa haute banlieue.

En patientant, nous préparons les papiers du véhicule. Enfin plus précisément dans un premier temps, nous les cherchons… « Mais ils sont où ces put… de papiers du véhicule ». Ben oui comme d’hab, avant de partir j’ai écouté les paroles rassurantes de mon co-pilote : « t’inquiètes, tout est en ordre les papiers sont dans la boite à gants » ; sauf qu’à 23h10, sur cette autoroute surchargée, après une journée passée dans les embouteillages à l’aller et au retour alors que les feux de la voiture sont HS et que nous nous apprêtons à subir un contrôle policier en plein couvre-feu, force est de constater que les papiers ne « sont » pas dans le véhicule ; peut-être y « étaient »- ils mais là présentement nada, rien, pas le moindre bout de papelard à présenter en cas de contrôle.

Quelle erreur aussi de ne pas avoir vérifié avant de partir. A croire qu’avec le temps, je  finis par me laisser gagner par une certaine désinvolture, un petit manque de rigueur, un je ne sais quoi de « on verra bien, y a toujours une solution » 

Et effectivement dans le cas présent, le « on verra bien » s’impose à nous. Nous nous approchons tout doucement du check point, pas très sereins, pour le moins : pas de feux, pas de papiers, pas de laisser passer, .... pas très en règle, pas très excusables, pas très rassurés pour la suite et fin de notre «petite sortie bien tranquille».

Tous les véhicules sont contrôlés et aucun ne passe sauf à montrer un ordre de mission officiel. Enfin presque, car il apparaît bien au vu des jeux de passe-passe que l’on peut observer dans l’ombre du bas côté, qu’une autre sorte de « laisser-passer » est également très largement admise, voire recommandée, présentant un « code » composé essentiellement de quelques zéros et finissant par les lettres FG. Celui-ci semble infaillible, En tout cas force est de constater que les véhicules reprennent la route les uns après les autres, plus ou moins rapidement, sans doute en fonction du nombre d’exemplaires de LP présentés .

Après de longues minutes d’attente (on n’en est plus à ça près), c’est enfin notre tour d’arriver au point de contrôle. Après les salutations d’usage, un militaire  nous demande si nous avons un ordre de mission ou une quelconque autorisation pour « braver » le couvre-feu.

« Bonsoir chef, ça va bien ? On était parti rendre visite à la famille à Coyah et on pensait être rentré bien avant le couvre feu. Mais avec les embouteillages, impossible d’arriver plus vite. Vraiment faut nous comprendre,  on est désolé mais on n’a pas pu faire autrement… »

« Ah, mais si vous n’avez pas de laisser-passer, vous allez devoir rester ici et passer la nuit sur le bord de la route. Pas possible pour vous de rentrer en ville. Mettez vous sur le côté ! »

Nous nous garons donc sagement, pendant que le militaire reprend tranquillement ses contrôles, nous ignorant royalement dans sa posture de maître du temps et de la route.

Impossible de retenir quelques vertes diatribes à l’encontre des hommes en tenue en général et de celui-ci en particulier, mais que nous nous gardons bien d’exprimer trop ouvertement. Le sourire hypocrite est de rigueur et vu notre situation, il s’agit de ne pas faire trop les marioles. Nous patientons donc quelques instants à ruminer nos pensées.  Puis alors que notre homme fait garer une autre voiture derrière nous, nous l’appelons histoire d’entamer la négo. Et oui pas trop le choix.

Après quelques échanges mélangeant le Soussou et le Français, nous finissons par nous «comprendre». Et voilà ! notre «laisser-passer» présenté en 2 exemplaires nous a ouvert les portes de Conakry by night en temps de couvre-feu, sans feux, sans papiers,..

 

Mais notre stress n’en diminue pas pour autant, bien au contraire car il s’agit maintenant de rouler quasi à l’aveugle sur les grands axes de Conakry où l’éclairage public est pour le moins irrégulier voire inexistant et où les phares des autres voitures vous éblouissent bien plus qu’ils ne vous aident à les voir. Par moment nous sommes donc dans le noir complet et l’instant d’après aveuglés par des phares mal réglés, bien trop souvent dans l’impossibilité de distinguer un éventuel obstacle et même de suivre la chaussée.

Je roule à moins de … ben en fait je ne sais pas car le compteur ne fonctionne plus non plus, mais c’est sûr je roule au pas. Et d’ailleurs est-ce que je roule ?? «Mais si, regardes, on vient de dépasser un piéton». «Ah bon t’es sûr, ce n’est pas lui qui nous a dépassé ?»

Après de longues minutes de progression pleine d’incertitudes, nous arrivons enfin devant notre portail à Kipé. Ouf, enfin à la maison !

Ah oui mais non, pas encore tout à fait. Notre colocataire a eu la bonne idée de fermer le portail de l’intérieur et donc il nous est impossible de rentrer dans la cour.

Il va falloir trouver un moyen de le réveiller ou passer par dessus le mur pour ouvrir ledit portail.

Il est plus de minuit et à bout de patience, je finis par enjamber notre clôture.

Juste conclusion d’une petite escapade bien tranquille dans la grande banlieue de Conakry.

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