Chronique d'un Porto Foulawa au Fouta (ép. 7)

Publié par fouta-decouverte sur 27 Novembre 2021, 19:40pm

Catégories : #Au quotidien, #Fouta Djalon

A la Vie ! A la Mort !

La Vie,

La Mort,

Oui mais la Vie d’abord,

Non mais la Mort aussi.

Gare à toi la Vie si je t’attrape je te Mort.

Si je t’attrape tu es Mort.

Ignorer la Mort pour mieux profiter de la Vie…

Vivre avec la Mort…

Vivre dans un village du Fouta Djalon, c’est apprendre ou réapprendre à vivre avec la Mort, être en sa compagnie tous les jours, presque à tous les instants.

Elle semble rôder, veiller sur la Vie comme pour mieux s’occuper de chacune de nos vies et nous rappeler qu’elle est là, bien présente, inexorablement présente, et qu’il ne sert à rien de vouloir la repousser, l’ignorer. Elle sait qu’elle aura le dernier mot (sans présager de l’au-delà de cette Mort…) et elle aime à nous le rappeler souvent, très souvent, trop souvent…

Dernièrement, il m’a semblé qu’elle voulait sonner le glas (devrais-je dire la Tabala), un peu plus fort qu’à l’accoutumé. En l’espace de 15 jours à peine, un jeune adolescent a été mordu par un serpent sur un chemin de brousse et la Mort l’a emporté alors qu’il était sur la route de l’hôpital ; une femme a donné la Vie à un bébé qui quelques heures plus tard lui a été enlevé par la Mort ; un vieillard qui semblait entre la Vie et la Mort depuis quelques semaines déjà, est parti, embrassé par la Mort.

Gare à toi la Vie si je t’attrape je te Mort.

Si je t’attrape tu es Mort.

Mais la Mort n’est pas seulement présente par les Vies humaines qu’elle choisit de prendre ; ce qui nous touche plus intensément. Elle est aussi présente à travers la Mort d’animaux « domestiques », pris par la maladie, les accidents mais aussi par la main de l’homme.

Alors bien sûr loin de moi l’idée de mettre sur le même plan la Mort de personnes et d’animaux. Mais la Mort des animaux ici en terre d’élevage, où le troupeau a encore toute son importance, touche une corde bien particulière de la sensibilité locale.

Ainsi deux chevreaux de quelques jours sont Mort, tués par une maladie mal diagnostiquée ; une génisse tombée dans un trou d’eau a été tirée vers la Mort ; un taureau a été sacrifié, Mort sous le couteau du boucher, pour honorer la mémoire d’une personne disparue ; un serpent qui s’était aventuré dans une case est passé de la Vie à la Mort, foudroyé par un coup de fusil.

Gare à toi la Vie ! Si je t’attrape, je te Mort.

Si je t’attrape, tu es Mort.

Ici au village, chaque jour nous rappelle combien la Vie est belle, mais ô combien elle est fragile.

La Mort est une parente qui à tout instant peut s’inviter ; et comme toute personne vous rendant visite, impossible de ne pas la recevoir…

Alors oui, Vivre avec la Mort prend tout son sens.

Et votre regard sur la Vie change !

Gare à toi la Vie ! Si je t’attrape, je te Mort.

Si je t’attrape, tu es Mort.