Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Fouta-découverte, le blog Fouta Djalon

Fouta-découverte, le blog Fouta Djalon

Images, impressions, infos sur le Fouta Djalon en Guinée (Conakry) pour les amateurs de rando/treks et d'un tourisme de découverte


Chronique d'un Porto Foulawa en Guinée forestière (ép. 12)

Publié par fouta-decouverte sur 17 Juin 2022, 17:52pm

Catégories : #Faune et flore de Guinée, #Guinée, #Réserve naturelle, #Guinée Forestière

Un éléphant, ça trompe énormément !

Ce matin nous avons rendez vous à proximité de Nzébéla avec l’équipe de pisteurs du centre forestier de Ziama. Depuis 2 jours nous suivons à distance leur travail de traque de l’éléphant qui depuis quelques semaines évolue dans la forêt et les clairières de la région. 
Et ça y est ! Oui on n’y croyait plus mais la chance, le destin ou plus sûrement le travail sans relâche des pisteurs ; en fait peut-être bien un cocktail des trois a fait en sorte de nous donner un petit coup de pouce. 
Depuis tôt dans la matinée, ils sont de nouveau sur les traces de l’éléphant et nous allons pouvoir les rejoindre pour mettre nos pieds dans les empreintes de pattes de l’animal. La perspective de suivre et peut-être de rencontrer ce pachyderme nous met tous dans un état euphorique. Nous nous préparons à la hâte pour affronter la forêt sans très bien savoir à quoi nous attendre et prenons la route pour rejoindre nos deux guides du jour qui nous attendent à quelques kilomètres de là  sur le bord de la route.

Chronique d'un Porto Foulawa en Guinée forestière (ép. 12)

A peine arrivé, nous débutons notre marche. Il s’agit de ne pas trop perdre de temps car l’animal ne s’arrête que rarement et n’ a de cesse que de se déplacer pour chercher sa nourriture. Et le « garde-manger » est grand ! Plusieurs hectares de forêt classée plus ou moins dense, de clairières cultivées entrecoupées de cours d’eau et de sentiers.
Nous faisons quelques centaines de mètres sur l’asphalte et soudain notre guide de tête quitte la route et s’enfonce dans l’épaisseur de la forêt. Il disparait aussitôt comme absorbé par la végétation. Nous comprenons tout de suite que la « petite balade » ne va pas être de tout repos. Malgré le fouillis et l’enchevêtrement de branches, d’arbustes, de racines, de lianes, il avance d’un bon pas suivant une piste que nous avons bien souvent du mal à deviner. 
 Non mais il a un traceur là, ou quoi ? On le croirait comme animé par une manette manipulée à distance et qui le fait soudain partir à droite, puis en trace directe à travers un mur végétal et encore à droite, à gauche, …. A sa suite, nous nous concentrons pour ne pas le laisser prendre trois pas d’avance, pour ne pas le perdre. Car même si le deuxième pisteur et chef d’équipe ferme la marche, aucun de nous ne veut être celui qui va retarder l’équipe.
Nous traçons donc notre chemin attentifs à là où nous posons nos pieds, à là où nous posons nos mains, à comment nous orientons nos épaules, à comment nous positionnons nos têtes souvent obliger d’enjamber des lianes qui  semblent placer là pour nous mettre à terre, tout en baissant la tête pour ne pas être étranglé par une autre. Souplesse, vivacité, concentration sont les maîtres mots de ce jeu de pistes à l’issue encore incertaine.
Déjà plus d’ 1 heure que nous progressons et pas facile de garder la même attention. Perso, plus d’une fois je trébuche et manque de m’étaler de tout mon long dans le magma végétal. Mais non l’adrénaline m’aide à faire le pas supplémentaire, à donner le coup de reins salutaires, pour rester debout. Je rattrape mes lunettes à la volée et je continue.
Et puis notre pisteur semble hésiter. Son pas se ralentit. Il s’arrête. « Merde c’est pas bon signe ça ».  La trace de l’animal s’est semble-t-il effacée. Ce serait-il volatilisé ? Peut-être monté à un arbre pour nous tromper ? A cet instant, une comptine enfantine vient me trotter en tête.
 « Un éléphant, ça trompe, ça trompe. Un éléphant ça trompe énormément ».
 « Ok mais là c’est pas drôle. Où te caches-tu petit éléphant ? »
Nos deux pisteurs réagissent de suite. Ils prennent la tête de notre petite caravane et se séparent pour tenter de retrouver le fil d’ariane de notre plongée dans le Ziama.
1 minute, 2 minutes, 3 minutes passent. Le fil d’ariane semble coupé. Nous sommes à l’arrêt et notre espoir fait un grand huit émotionnel dans sa phase dégringolade, tête à l’envers. 
« Eh les gars, c’est par là » 
« Hein quoi ? » 
« Oui on repart, la trace est là. » 
« Ok, super ».
Ouaou, le grand huit se poursuit, phase ascendante.
Quelques pas de plus et la piste se confirme, quelques tubercules de manioc sauvage arraché à la terre nous donnent une indication sur le menu du pachyderme. Il n’est pas loin le bougre et pourtant il semble tellement inaccessible à ce moment de notre marche-poursuite.
Nous arrivons rapidement au bord  d’un cours d’eau où  les traces de pattes se font plus précises : une empreinte d’un bon 30 cm de diamètre est très nettement imprimée dans la vase. L’excitation remonte encore d’un cran. Nous entrons dans l’eau sans hésiter ou presque. Il faut avancer, la trace est toute fraîche.

Chronique d'un Porto Foulawa en Guinée forestière (ép. 12)Chronique d'un Porto Foulawa en Guinée forestière (ép. 12)

Pourtant l’enchevêtrement végétal est toujours aussi dense et la fatigue aidant, de plus en plus compliqué à traverser. Les croche-pieds des racines semblent se faire plus pervers, les passages où il faut se plier en deux, en trois, plus rapprochés et pénibles à franchir. Mais peu importe. Il faut avancer.
Et d’ailleurs comment fait cet animal lui, pour avancer, pour traverser semble-t-il si facilement cette forêt ? Nous le suivons depuis des heures et pourtant nous sommes en permanence confrontés à des obstacles qui nous ralentissent : lianes souples et branches crochues, arbres couchés en travers de la trace, comme si la forêt se refermait derrière lui ? Curieux cet animal qui laisse une infime trace mais si peu de traces de sa progression.
Est-ce bien un éléphant que nous poursuivons ? Son ombre ? Son avatar miniature ? 
Constatant amèrement les difficultés que j’ai à mettre un pied devant l’autre, je me pose plus d’une fois la question.  
« Oh et puis après tout qu’importe. Il faut avancer… » 
Quand nous débouchons soudain dans une clairière, nous soufflons enfin un peu. Mais le répit est de courte durée. De nouveau la piste se perd au milieu d’un champ d’arachides. Encore une fois « notre » éléphant semble vouloir tromper nos guides. 
Mais ces derniers ne sont pas du genre à renoncer. D’ailleurs très vite ils repèrent des bananiers couchés au sol, dont le cœur a été mangé à la base. La traque reprend.
Nous progressons maintenant rapidement en lisière de forêt avant de replonger de nouveau dans l’ombre du sous bois. Un peu plus loin un cultivateur signale à notre guide que l’animal vient de passer. Une bouse toute fraîche encore fumante confirme très vite ces dires.

Chronique d'un Porto Foulawa en Guinée forestière (ép. 12)

Et puis après plus de 3 heures, alors que nous émergeons une énième fois de l’ombre à la lumière ,  Alexis notre pisteur de tête s’arrête et dit très calmement : « mission accomplie ! »
« Comment ? Quoi ? Qu’est ce qu’il a dit ? »
Nous avançons un peu hagard, dubitatif dans la clarté de la clairière.
«Il l’a vu ? Tu le vois ? Moi je ne vois rien. »
« Mais si regardes bien, on aperçoit sa trompe là, derrière les premiers arbustes. »
« Tu te fous de moi, c’est une liane »
Et soudain le voilà ! Il est là ! Quasiment sans bruit, les oreilles décollées, la tête relevée et la trompe tendue vers l’avant comme pour mieux nous impressionner, il surgit du rideau végétal ! En quelques pas souples et rapides, il fait une entrée en scène spectaculaire. Tel un maitre de cérémonie fier de son coup de théâtre, il s’avance vers nous en agitant sa trompe, semblant nous dire « je vous ai bien trompé les gars, mais me voilà ».

Chronique d'un Porto Foulawa en Guinée forestière (ép. 12)

Au sein de l’équipe, l’émotion est palpable. Nous profitons intensément de l’instant, pleinement conscient de la chance que nous avons et heureux que nos efforts soient récompensés bien au-delà de toutes nos espérances.
Dernier acte d’une bien belle journée, au cœur de la forêt classée de Ziama. 
Rideau !

Chronique d'un Porto Foulawa en Guinée forestière (ép. 12)
Chronique d'un Porto Foulawa en Guinée forestière (ép. 12)Chronique d'un Porto Foulawa en Guinée forestière (ép. 12)
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
M
Excellent article, à le lire, on s’y croirait...<br /> Merci
Répondre
P
Merci. C'est une expérience à vivre en réel. J'espère que cet article donnera des idées à vous lecteur.

Archives

Articles récents