« La Guinée, un Paradis pour le tourisme », oui mais…
(texte inspiré de mon expérience et du témoignage de voyageurs/aventuriers)
Quand tu prends la « route » et que tu parcours péniblement 50 kilomètres en une heure et demie, que tu as l’impression d’être dans une lessiveuse, et non dans un 4X4, quasiment tout le long du trajet sauf lors des arrêts (…), que tu avales de la poussière par bouffées irritantes à t’en étouffer, que l’homme en tenue, croisé au hasard d’un barrage routier, veut te verbaliser parce que tu conduis avec des sandales « non réglementaires », que ton véhicule te fait comprendre que lui aussi il est fatigué par des bruits et claquements intempestifs,
alors la seule pensée raisonnable qui te vient, c’est : « que suis-je venu faire sur cette route « déraisonnable » »?
Quand tu arrives dans ta chambre d’hôtel et que au moment d’ouvrir la porte tu prends en plein nez une odeur nauséabonde de toilettes qui semble enfermée là depuis des semaines et en profite pour s’échapper, que tu allumes la lumière et que la lampe semble insensible à ton envie d’y voir clair, que tu t’assoies sur le lit et que tu ressens une vive réaction du matelas à travers un ressort revêche qui pointe sous ta fesse et semble t’inviter à te redresser aussi vite, que tu ouvres le lit et que tu découvres un drap certes lavé mais tellement vieux que tu peux y deviner toutes les nuits qu’il a traversé, que tu te présentes confiant sous la douche pour faire « passer le voyage » et que le mince filet d’eau qui sort du pommeau suffit à peine à te nettoyer le bout du nez,
alors ton envie de passer la nuit sur place se transforme en cauchemar.
Et tu te dis que la tente finalement, ce n’est peut-être pas si mal. Certes plus roots mais avec moins de mauvaises surprises.
Quand tu arrives sur un site un peu connu et visité et que tu es littéralement assailli par des bandes d’enfants qui s’accrochent à ton véhicule et te demandent un cadeau, quand tu t’arrêtes pour faire la visite et que soudain un individu plus âgé sorti de nulle part et portant une « pétoire » à l’épaule vient te proposer ses services mais moyennant une somme exorbitante, quand tu gardes ton calme mais que tu essayes de négocier alors que le ton monte, quand tu veux t’installer pour profiter du calme de l’endroit mais que les enfants ont continué à te suivre et t’encerclent comme si l’attraction touristique c’était toi,
alors ton plaisir de découvrir un superbe endroit et de profiter du moment présent est quelque peu contrarié.
Et tu te dis que la cour de ta maison est finalement plutôt sympa et en tout cas bien plus calme.
Quand tu entres dans un restau attiré par une carte qui te laisse entrevoir quelques plaisirs gustatifs et que tu es reçu avec à peine un bonjour et encore moins un sourire, limite tu as l’impression de déranger, que tu passes commande et que le plat qui te faisait saliver n’est pas dispo (d’ailleurs il ne l’a jamais été…), que tu demandes ce qui est dispo pour te désaltérer et qu’on te précise que « ici pas d’alcool » et que rien n’est « glacé » (le peu de courant dispo n’ayant pas suffit ces dernières heures à refroidir le frigo), que le plat est servi après une attente sans fin à se demander si le poulet commandé ne courrait pas encore dans la cour au moment de passer ta commande,
alors ton appétit a une forte propension à s’amenuiser et ton palet est proche de renoncer aux plaisirs annoncés.
Et tu te dis que finalement pourquoi allez au resto quand tout est mieux à la maison.
Quand après toutes ces péripéties, tu as envie de partager tes impressions, photos, vidéos, … sur les réseaux et que tu constates qu’il n’y a pas de réseau ou si peu qu’il t’est impossible de partager le moindre fichier un peu volumineux,
alors tu te dis que peut-être tu es arrivé à un bout du monde…
Et que … .
Bon malgré tout, grâce à ton téléphone tu as pu prendre quelques images à partager plus tard car prévoyant tu avais pris une batterie de secours au cas où...
Alors oui au final tu te dis que faire du tourisme en Guinée décidément, ce n’est pas de tout repos. Ça a un petit goût d’aventure(s) qu’il n’est pas donné à tout le monde d’apprécier.
Et pourtant, malgré tout cela, tu es prêt à repartir à la prochaine occasion…
Et oui, tu es prêt à repartir parce que tu as découvert de beaux endroits hors du temps et de l’emprise des hommes, vécu des histoires incroyables et imprévisibles que tu n’aurais pas vécues en restant dans ta cour, pris un grand bol d’air dans des espaces naturels certes parfois dégradés mais encore suffisamment préservés pour y respirer à plein poumon, passé des moments hors du temps en toute simplicité, rencontré des personnes accueillantes et résilientes jusqu’à l’extrême, des acteurs du tourisme local (trop peu nombreux) qui vaille que vaille résistent dans un contexte au combien compliqué et proposent malgré cet environnement, des prestations de qualité, et qu’au final tu es rentré avec des souvenirs plein la tête.
Et que par ailleurs, tu t’es découvert des ressources de patience, d’adaptabilité, des capacités de négociation que tu ne soupçonnais même pas…
Oui c’est vrai, la Guinée a des atouts à faire valoir aussi bien au niveau de ses sites naturels, que de sa culture sous toutes ses formes (traditions, danse, musiques, …) ou encore de son Histoire.
Mais quand au développement du tourisme dans le pays, il reste et demeure dépendant de la levée de nombreux obstacles dont certains sont plutôt élevés.
Car sans :
- Infrastructures routières, électriques, hydrauliques et de télécom,
- Politique globale réfléchie avec les financements qui vont avec (…) et impulsée par les autorités avec soutien aux acteurs, incitation à l’investissement et facilitation à la venue des visiteurs (visa, infos, conseils, …),
- Formation des personnels et intervenants du secteur pour dire stop à l’amateurisme et aux personnels non compétents,
- Organisation, formation et éventuellement aménagement… autour et sur les sites potentiellement attractifs,
- Structures d’accueil de qualité et respectant un cahier des charges minimum ; pas nécessairement des structures de luxe mais des établissements bien tenus accueillants, respectant un minimum d’hygiène et offrant à minima les prestations de base,
…
rien (en tout cas pas grand-chose) ne pourra se faire.
En même temps j’dis ça j’dis rien 😉.
Allez, je retourne publier quelques photos idylliques d’une région qui me tient tant à cœur.
A très vite.