N’est pas Indiana Jones qui veut
Novembre à Dalaba, fin de la saison des pluies. La période idéale pour découvrir les majestueuses chutes de la région. Les averses se font plus rares, l’eau est en abondance partout, la chaleur n’est pas encore étouffante et les paysages sont totalement renouvelés. Quand à la lumière, elle donne la touche magique au spectacle permanent.
Aujourd’hui, nous partons à deux sur une moto (pas de side-car dispo …), à la quête de notre Graal du jour, la chute de Ditinn à quelques 35 kilomètres en pleine brousse.
Après une heure trente d’enduro sur une piste totalement « remodelée » par les pluies, de fait complètement défoncée, nous arrivons au bord de la Ténée qui en quelque sorte marque la frontière entre la vallée et le territoire de la chute.
Une fois passée cette rivière, un seul chemin « s’ouvre » devant vous et c’est celui qui mène à la cascade. Oui mais… il faut la traverser. Et là, petit moment de flottement….
Fin de saison des pluies, la « petite Ténée» est gonflée à bloc, et le pont… « Ben oui, il est où le pont ? Mais m… il est où ce pont censé nous permettre d’enjamber les flots ? » Submergé, emporté, volatilisé… La bonne blague. « Si je connaissais le con qui a fait « sauter » le pont…. »
En attendant c’est un peu nous les c… nous ne sommes pas vraiment équipés : pas de cordes, encore moins de fouet, pas de pont de lianes à jeter vers l’autre rive, pas de barque, ... RIEN !
«Bon allez courage, on n’est pas arrivé jusque là pour rebrousser chemin. L’Aventure ce sont les imprévus et l’Aventurier celui qui y fait face sans reculer… Alors que diable : mahin !»
Après avoir un peu sondé le cours d’eau, nous choisissons finalement un point de passage qui nous semble praticable, ou tout du moins pas trop dangereux.
Plus question d’enjamber quoique ce soit, non, mais bien plutôt de nous jeter à l’eau… après avoir pris soin d’enlever nos chaussures de marche.
« Et le pantalon, on l’enlève le pantalon ??? » Perso, je décide de le garder. « Non mais tu vois toi Indiana Jones enlevé son futal, le plier en quatre avant de se jeter à l’eau. Non il se jette à l’eau direct (bon c’est vrai il n’enlèverait pas non plus ses chaussures…). » J’essaye donc d’en faire autant… Mais avancer avec l’eau jusqu’à mi cuisse sur des rochers et autres cailloux plus glissants les uns que les autres, sans aucun point d’appui, ça relève pour le coup de l’épreuve « koh-lantesque ».
Je passe plus de 10 min à tenter de rester debout tout en avançant dans cet environnement mouvant et déstabilisant. Bien assez pour me geler … les pieds. Certes l’eau ne vient pas d’un glacier et pour cause, mais elle est glaciale quand même. Piètre performance à cette épreuve! Pas d’immunité cette fois-ci…
Enfin, ça y est, nous sommes sur le territoire de la chute, que nous apercevons au loin. Reste environ 20 minutes de marche pour l’atteindre. Une promenade de santé après cette traversée.
Oui MAIS, 20 minutes quand le passage est dégagé… et ce jour nous constatons que la végétation a profiter de la saison des pluies pour dresser quelques obstacles sur le chemin créant un maillage bien serré de branchages et de lianes, plus ou moins piquants et griffus ; de véritables barbelés végétaux.
Sauf que là, j’avais anticipé et j’ai l’ « arme fatale » : la machette ! Y a plus qu’à !
S’ouvrir un chemin dans la brousse à coups de coupe-coupe, facile vous me direz… Il suffit d’avoir un coupe-coupe (« yes, on l’a ») et d’un peu d’huile de coude. Ah oui, vaut mieux être un peu couvert aussi. Vous allez comprendre.
Et bien détrompez vous. Pas si simple. Je m’en suis vite rendu compte à mes dépens.
Encore confiant dans mes aventurières capacités, je m’empare donc de l’outil pourtant assez ressemblant à celui d’Indy et je m’attaque aux premières branches qui empêchent notre progression.
Mais voilà « n’est pas Indiana Jones qui veut » 1er coup : dans le vide ! Ahaha ! 2ème coup : sur une branche couverte d’épines bien acérées ; je réussis à la couper mais la branche se défend et s’agrippe littéralement à mon bras que je n’ai pas su arrêter à temps. Premières éraflures, premières gouttes de sang. C’est en forgeant que l’on devient forgeron… c’est en saignant que l’on devient…. ridicule. 3ème coup : sur une branche un peu plus solide et qui résiste, me renvoyant comme un boomerang la lame de mon coupe-coupe. Oups c’était moins une…
« Euh koto Mamadou tu ne veux pas que je te remplace » m’interroge gentiment mon guide du jour.
« Non, non ça va aller ! C’est pas quelques branches qui vont me résister quand même…. »
En fait « d’aller », après 2 ou 3 tentatives supplémentaires, je rencontre de nouveau une branche épineuse. Celle là m’embrasse très « affectueusement » sur la joue. Belle estafilade et nouvelles gouttes de sang.
« Bon sang, ça suffit ! » et je renonce alors définitivement à valider mon « brevet d’aventurier koh-lantesque» d’un jour. Sentence irrévocable !
Dorénavant en retrait, je mesure mieux et en toute humilité, la dextérité et l’énergie nécessaires pour s’ouvrir un passage au milieu de cet épineux magma verdoyant.
Après 40 minutes d’une progression chaotique, nous émergeons enfin au pied de la chute.
Mais nous sommes aussitôt immergés sous un déluge provoqué par la hauteur de la chute qui créée à son pied un souffle puissant et gorgé d’eau.
Douche glaciale assurée, après le bain gelé dans la rivière. Et si on faisait trempette dans le bassin au pied de la chute ? « Aahahah, ça va aller merci ! »
Nous profitons malgré tout quelques instants du majestueux spectacle.
Et puis alors que nous sommes littéralement soufflés par la beauté du lieu, un groupe de singes nous apercevant un peu trop proche d’eux commence à nous jeter toutes sortes de projectiles : cailloux, bouts de bois, peaux de bananes,… et même une bouteille de coca (tombée du ciel ?).
Hallucination ? Peut-être bien.
Néanmoins nous rebroussons chemin pour sortir du territoire de cette chute qui n’est décidément pas très accueillant.
Alors que nous progressons rapidement, le chemin étant dorénavant dégagé, mon acolyte marque soudain un stop ! Que se passa ? Pas de branche en travers, pas de liane griffue, pas de singe mécontent, la rivière est encore loin, …
Je lève les yeux pour voir ce qu’il observe et j’ai tout juste le temps d’apercevoir une liane vert claire qui serpente juste au dessus de nos têtes. Bizarre cette liane qui bouge si vite.
« Ce n’est rien, juste un mamba vert qui se balade à la recherche de son quatre heure » plaisante mon camarade.
Gloups ! Un serpent qui se promène dans les arbres, avec la dextérité d’un singe. Décidément que de surprises.
Depuis ce jour quand je me balade en brousse je ne regarde plus seulement mes pieds et là où je pose mes mains, je garde aussi un œil sur ce qui se passe au dessus de ma tête. Allez comprendre pourquoi…
Enfin la rivière est proche. Ah oui c’est vrai il faut la retraverser…
Je m’engage dans l’eau un peu plus confiant qu’à l’aller et là, plouf : bain intégral ! J’ai glissé chef !
Je termine donc la traversée à moitié à la nage, à moitié à quatre pattes. Mouillé pour mouillé, plus grand chose à craindre.
J’atteins enfin l’autre rive, bien content d’avoir réchappé de ce territoire si peu hospitalier.
Et alors que nous nous apprêtons à reprendre notre moto en direction de Dalaba, nous nous retournons une dernière fois pour observer la chute au loin : magnifique spectacle en cette fin de journée où le soleil s’attarde sur le sommet de la chute, mais qui n’a plus tout à fait la même saveur ; comme un p’tit goût d’aventure qui restera longtemps gravé dans nos mémoires.