Tisserand, un métier hors du temps...

Publié par fouta-decouverte sur 17 Juillet 2023, 11:52am

Catégories : #Arts et artisanat, #Fouta Djalon

Tchic, tchac, tchic, tchac, pfiitt, pfiitt, tchic, tchac, tchic, tchac, ...

A l’ombre des manguiers, inlassablement les navettes naviguent dans un va-et-vient continu entre les fils ténus des métiers à tisser. De droite à gauche, de gauche à droite, rien ne paraît pouvoir les arrêter. Elles rythment le temps, la journée de ceux qui les conduisent, et qui en choisissent le rythme. Pas besoin d’horloge ; ici c’est la navette qui donne le tempo.

Tchic, tchac, tchic, tchac,..

Certaines sont très clairement plus pressées que les autres, comme si elles voulaient gagner du temps sur le temps qui passe, le devancer et arriver en tête au bout de cette épreuve au long cours ; arriver les premières au bout des chemins de fils qui se déploient devant chaque métier, chemins tendus bien rectilignes qui même s’ils ne mesurent que quelques mètres n’en semblent pas moins infinis. D’ailleurs les pierres maintenant les fils sous tension ne sont elles pas désespérément immobiles ?

Tchic, tchac, tchic, tchac, ...

Ici rien de spectaculaire, tout se fait discrètement. Pieds et mains se coordonnent dans des gestes désynchronisés. Chaque mouvement est mesuré, calculé, précis. Sur ces métiers, il est essentiel de savoir préserver son énergie pour tenir dans la durée.

Et pas de place pour l’improvisation, la qualité du travail et du rendu final en dépend. L’expérience et le savoir-faire font toute la différence.

Tout se passe donc dans un grand calme. Chaque tisserand semble comme absorbé dans une profonde méditation rythmée par la répétition d’un simple mantra : tchic, tchac, alors que doucement, imperceptiblement, centimètre par centimètre, la toile se tisse s’enroulant peu à peu sur un axe placé sur ses genoux.

Tchic, tchac, ...

Héritage d’une époque où le temps n’avait pas vraiment de valeur, ces métiers à tisser traditionnels faits de quelques morceaux de bois, de poulies et d’un peigne, apparaissent aujourd’hui définitivement hors du temps et économiquement condamnés.

Pourtant les artisans tisserands, gens de caste au Fouta, continuent à exercer leur métier perpétuant une tradition ancestrale. Ils proposent ainsi encore et toujours des étoffes originales base des fameux lépis indigo, qui seront portés fièrement par les hommes et les femmes de la région.