Léfa, ce que tu caches en toi…

Publié par fouta-decouverte sur 21 Janvier 2023, 19:12pm

Catégories : #Arts et artisanat, #Fouta Djalon, #Guinée

Ce matin, alors que nous nous apprêtons à quitter le village où nous avons passé une partie de l’après-midi et la nuit, la vieille qui nous a accueilli dans sa concession s’approche subrepticement de moi et me tend un léfa.
Surpris et un peu gêné de ce cadeau, je la remercie en balbutiant quelques mots de poular hésitants.
"Dyarama, dyarama bouye, mi weltikhé"

Et puis rapidement nous demandons la route ; une grosse journée nous attend avant d’atteindre notre prochain bivouac. Je glisse donc le van au fond de mon sac et nous revoilà partis sur les chemins du Fouta Djalon.

Quelques jours plus tard alors que je suis de retour chez moi, je retrouve enfoui sous mon linge sale le léfa que je jette négligemment sur ma table. Très pratique comme dessous de plat.
Alors que je m’attable pour profiter d’un vrai repas (ça fait du bien après 4 jours de treks en brousse), j’ai pour le première fois l’occasion de détailler mon cadeau.
Surprise. Je découvre un travail réalisé avec goût et finesse, décoré de motifs géométriques orange et noir précis ; un travail révélateur d’une grande dextérité qui a certainement demandé de longues heures de tressage à la vieille femme qui me l’a si humblement donné ; un travail résultant par ailleurs d’un savoir-faire traditionnel transmis de mère à fille, de génération en génération.
A travers ce léfa, je réalise que cette femme m’a transmis bien plus qu’un simple van, elle m’a offert un peu du Fouta, de sa tradition, de son histoire, et que ce simple objet artisanal a une valeur tellement supérieure à sa valeur marchande (moins de 40.000 FG, l’équivalent de 4 euros) et à la valeur que j’ai bien voulue lui accorder.

Rendez-vous compte : pour réaliser un léfa, il faut d’abord récolter en brousse les variétés d’herbes et de feuilles adaptées à sa fabrication, puis les faire sécher, puis pour une partie d’entre elles les teinter (pour cela il faut préparer les teintures : pour la couleur orange elle est faite à base de Rocouyer et pour le noir à base d’une certaine sorte de terre locale), puis découper les feuilles pour qu’elles aient la bonne largeur, puis réaliser le travail de tressage qui demande, pour un grand léfa, plusieurs heures de labeur ininterrompu et un réel savoir-faire pour en assurer la qualité et le rendu final.

Non, décidément non, je n’ai pas su reconnaître à sa juste valeur le cadeau de cette femme et la remercier en conséquence.
Depuis ce léfa n’est plus posé sur ma table. Il est suspendu au mur de mon bureau pour le préserver. Chaque jour, il me rappelle ô combien il est parfois difficile de savoir apprécier ce que l’on vous offre et par ailleurs, si important de prendre le temps de recevoir.

Sacré léfa, ce que tu caches en toi est bien plus grand que toi.

(Photos par Aurèle A et Maurice A)

Vivre le Fouta Djalon.

Séjour foutanien en mode "Sac au dos" par Chris C

Commenter cet article